Les députés ont approuvé jeudi soir des sanctions plus sévères à l’égard des groupes agroalimentaires qui refusent de communiquer leurs comptes, comme cela a été le cas pour Lactalis et Bigard récemment.
L’Assemblée nationale a donné jeudi soir son feu vert à des sanctions plus efficaces pour les groupes agroalimentaires, et également la grande distribution, qui ne publient pas leurs comptes annuels, après les cas de sociétés comme Lactalis ou Bigard.
Une sanction plus ferme. « Demain, s’il n’y a pas la publication des comptes à l’heure dite, le président du tribunal de commerce pourra grâce à son injonction [demander] de le faire sous astreinte » pouvant s’élever à 2 % du chiffre d’affaires journalier, s’est félicité le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert, avant ce vote dans le cadre de son projet de loi. La sanction existait déjà et avait été accrue par la loi Sapin II de 2016, mais elle ne pouvait intervenir qu’au terme d’un processus complexe et ne s’appliquait pas à la distribution.
Un amendement plébiscité par tous les bords. La disposition est issue d’un amendement adopté en commission mi-avril, qui avait été porté par l’élu MoDem Richard Ramos et – fait rare – cosigné par plus de 60 députés issus des sept groupes politiques et du FN. Richard Ramos s’est félicité jeudi de ce vote qui « correspond à nos attentes » et « répond à cette insulte faite au Parlement » par Bigard notamment. « Une avancée très importante », a aussi salué sur Twitter Matthieu Orphelin (LREM).
Lactalis et Bigard secrets sur leurs comptes. En septembre 2017, Maxence Bigard, fils du PDG du numéro un français de la viande Jean-Paul Bigard, avait provoqué un tollé lors d’une audition en refusant de répondre aux questions des députés, notamment sur la non-publication des comptes de son entreprise.
En commission également, un représentant du grand groupe laitier Lactalis avait aussi fermement refusé mi-septembre la divulgation des comptes du groupe. Depuis, l’entreprise a déposé les comptes de plusieurs dizaines de ses sociétés, mais pas les comptes consolidés du groupe.
Pas de saisine par un ministère. Un amendement du rapporteur (LREM) Jean-Baptiste Moreau a été adopté dans l’hémicycle pour encore muscler le dispositif, en supprimant la condition de non-publication « répétée » des comptes. Des députés LR ont cherché en vain à introduire la possibilité d’une saisine du tribunal de commerce par le ministre de l’Économie ou de l’Agriculture. Cela n’est pas nécessaire, le président du tribunal ayant « pleine capacité » à agir, a répondu Stéphane Travert. Enfin, Arnaud Viala (LR) a cherché à savoir « comment calculer 2 % d’un chiffre d’affaires qui n’est pas publié ». Cela se fera sur une base fiscale, a indiqué le ministre.
Une réforme des coopératives par ordonnances. L’Assemblée nationale a également autorisé le gouvernement, au terme d’un vif débat, à « rénover » par ordonnances le modèle des coopératives agricoles, dans le cadre du projet de loi de Stéphane Travert. Le projet de loi agriculture et alimentation prévoit une habilitation du gouvernement à prendre des ordonnances pour notamment définir les conditions de départ des associés coopérateurs, améliorer leur information, renforcer la transparence dans la redistribution des gains des coopératives à leurs associés coopérateurs. Il est aussi prévu des contrôles et sanctions.
Plusieurs groupes politiques hors majorité se sont élevés contre le recours aux ordonnances, qui n’assure pas de « transparence » et dessaisit les parlementaires. Stéphane Travert a cependant affirmé être « prêt à travailler » avec eux, alors que le sujet n’a pas été abordé lors des états généraux de l’alimentation.